Rentrée des classes… à dos !

Sac à dos en forme de cerveau

*Ou comment les marchands de peur transforment ChatGPT en nouveau croque-mitaine de la rentrée*

Ah, septembre ! Cette odeur si particulière de cahiers neufs mélangée à l'angoisse existentielle des lycéens qui découvrent leur emploi du temps. Cette année, en plus du traditionnel "j'ai oublié de faire mes devoirs de vacances", un nouveau stress s'invite dans les cartables : "Est-ce que ChatGPT va transformer mon cerveau en compote ?"

Bienvenue dans cette newsletter de Psychaventure, où l'on va tenter de démêler le vrai du faux dans ce grand cirque médiatique qui fait de l'IA le nouveau monstre sous le lit de nos chers étudiants.

## Le grand bal des catastrophistes : quand la science fait du sensationnalisme

Depuis quelques mois, impossible d'ouvrir un journal sans tomber sur un titre qui ferait pâlir Stephen King : "ChatGPT détruit votre cerveau !", "L'IA rend nos enfants stupides !", "Perplexity : le nouveau fléau des neurones !". On croirait lire les gros titres de 1920 sur la radio qui allait "détruire l'imagination des enfants" ou ceux de 1950 sur la télévision qui allait "transformer nos cerveaux en gelée".

### L'étude MIT qui fait trembler les foules (ou pas)

Prenons l'exemple de cette fameuse étude du MIT qui circule partout. Vous savez, celle avec 54 participants (oui, 54, pas 54 000) âgés de 18 à 39 ans, dirigée par Nataliya Kosmyna du MIT Media Lab. Les chercheurs ont collé des électrodes EEG sur leurs têtes et BOUM ! Révélation : ceux qui utilisent ChatGPT montrent une réduction jusqu'à 55% de l'activité cérébrale, et 83,3% d'entre eux sont incapables de citer leurs propres écrits après coup.

Sauf que... attendez. 54 personnes ? Sérieusement ? J'ai vu des soirées étudiantes avec plus de participants. Et on base des conclusions sur l'avenir de l'humanité là-dessus ? C'est comme dire que le café rend immortel après avoir interrogé trois centenaires italiens qui en boivent depuis 80 ans.

Le plus drôle dans cette histoire, c'est que l'étude elle-même (quand on prend la peine de la lire au-delà du titre) montre quelque chose de bien plus nuancé : les participants qui commençaient par réfléchir PUIS utilisaient l'IA obtenaient de meilleurs résultats que tous les autres. Mais ça, bizarrement, on n'en parle pas dans les gros titres.

### La course aux -7 points et autres joyeusetés statistiques

Et puis il y a cette autre perle : "Les utilisateurs d'IA perdent 6,7 points aux examens !" Wahou, impressionnant ! Sauf que quand on creuse, on découvre que :
- L'étude portait sur des étudiants qui utilisaient l'IA comme un copier-coller géant
- Personne ne leur avait appris à s'en servir correctement
- C'est comme dire que les voitures sont dangereuses après avoir mis des ados sans permis au volant.

## Pendant ce temps, dans le monde réel...

Parce que oui, il existe un monde réel où des chercheurs sérieux font des études sérieuses. Et devinez quoi ? Les résultats sont bien moins apocalyptiques.

### Les chiffres qu'on ne vous montre pas

Un sondage global récent révèle que 56% des lycéens pensent que l'IA peut réduire leur anxiété en mathématiques, et 21% utilisent l'IA pour réussir leurs examens. Mais ça, ça ne fait pas vendre.

Mieux encore : selon une étude du JISC, 99% des étudiants utilisent l'IA, 92% en font un usage régulier, et 30% l'utilisent quotidiennement pour leurs études. Pas pour tricher (hmm, oui bon on n'est pas très sûr là que ce soit parfaitement exclusif...), non. Pour comprendre, synthétiser, préparer leurs examens. Bref, pour apprendre plus efficacement.

### Woebot et Wysa : les psys de poche qui cartonnent

Parlons un peu de ces applications de santé mentale qui utilisent l'IA. Woebot Health, fondée en 2017 par la psychologue clinicienne Dr. Alison Darcy de Stanford, et Wysa qui compte plus de 6 millions d'utilisateurs dans 95 pays avec plus de 550 millions de conversations, sont devenues les compagnons virtuels de millions d'étudiants stressés.

Ces petits robots conversationnels ne prétendent pas remplacer un vrai psy (ils le disent d'ailleurs très clairement). Mais ils sont là, disponibles 24/7, quand l'angoisse du devoir de philo frappe à 2h du matin. Les applications garantissent la confidentialité totale des échanges, avec des conversations privées et cryptées, ce qui rassure les ados qui n'osent pas toujours parler de leurs problèmes. Bon côté confidentialité totale il ne faut pas rêver : les législations des pays dans lesquels se trouvent les serveurs s'appliquent ! Et si ces législations prévoient l'autorisation d'accès aux contenus alors la confidentialité en prend un sérieux coup. Surveillez donc le "ChatAct" qui se profile en Europe et les dispositions RGPD, vous y découvrirez comment on glisse lentement mais sûrement vers la fin de la confidentialité grâce... aux outils mis en place pour la garantir. Ça mériterait un article, j'y réfléchis mais je crois que c'est le résultat du vote européen sur le "Chat Act" qui déclenchera ou pas la nécessité d'un tel article. Mais revenons à nos moutons... heu je veux dire nos étudiants. Je sais je suis taquin.

Et le plus beau à propos de tous ces Chatbots IA ? Une étude de Stanford publiée dans JMIR Mental Health, menée sur 70 étudiants universitaires, a montré que Woebot pouvait réduire significativement la dépression et l'anxiété en quelques semaines seulement, comparé à un groupe contrôle utilisant un ebook du NIMH. Alors oui, ce ne sont pas des solutions miracles, mais pour un lycéen qui galère avec son stress et qui n'a pas accès à un psy, c'est déjà énorme.

Bon maintenant qu'on a fait état du passé, le présent est beaucoup moins glorieux : en août 2025, le secteur des chatbots thérapeutiques est marqué par la fermeture définitive de Woebot, pionnier du soutien psychologique automatisé, victime de contraintes réglementaires renforcées et d’un modèle économique insoutenable. Wysa demeure le seul acteur à bénéficier d’une reconnaissance “Breakthrough Device” (FDA) pour un usage limité sous supervision humaine, conformément aux nouvelles normes imposées par l’AI Act européen, qui classe les IA santé mentale comme **“à haut risque”** et exige transparence, auditabilité et interdiction de promesses thérapeutiques autonomes. Replika, lourdement sanctionné et banni en Italie pour violations du RGPD et risques pour les mineurs, n’est autorisé qu’en tant que compagnon émotionnel, sans valeur thérapeutique reconnue. Les nouveaux venus comme Noah AI, Talkspace ou Therabot proposent uniquement des fonctions d’auto-soin et de guidance, sous contrôle réglementaire strict, sans aucune légitimité médicale : dans ce contexte, aucun chatbot n’est officiellement habilité à pratiquer la psychothérapie, et les outils commercialisés sont cantonnés à des rôles de soutien ponctuel, d’information ou de mise en relation sous contrôle humain renforcé.
Hé oui les promesses, les analyses d'experts, les aspirations de tous (moi compris) ont été... comment dire... un peu précipité ! C'est pourquoi je tenais à rappeler ici que dans une technologie émergente auprès du grand public (nous tous) il convient avant toute chose de pratiquer le discernement et de ne surtout pas avaler tout cru ce qui se dit... même si on vous dit et répète que ça a été dit "selon les experts" ad nauseam !

## Le business juteux de la peur technologique

Maintenant, posons-nous LA question qui fâche : à qui profite cette panique généralisée ?

### Les marchands de formations "anti-IA"

Depuis que ChatGPT est devenu mainstream, j'ai vu fleurir des dizaines de formations du type "Protégez le cerveau de vos enfants contre l'IA" à des prix exorbitants le weekend. Des "experts" autoproclamés qui n'ont jamais touché une ligne de code de leur vie vous expliquent comment "désintoxiquer" vos ados de ChatGPT.

C'est le même business model que les formations "détox digitale" d'il y a 10 ans, mais en plus cher et avec des graphiques d'électroencéphalogramme pour faire sérieux.

### Les médias et leur addiction au clic

Soyons honnêtes : "Une étude montre que l'IA bien utilisée peut aider les étudiants" ne génère pas autant de clics que "ChatGPT DÉTRUIT le cerveau de vos ENFANTS !!!". C'est la loi du marché de l'attention, et nos cerveaux anxieux sont la marchandise.

Beaucoup de media ont transformé des courbes EEG en apocalypse neurologique sans même prendre la peine de lire les conclusions des études. C'est du journalisme fast-food : vite fait, mal fait, mais ça remplit les caisses.

## La vraie stratégie pour une rentrée sereine (avec ou sans IA)

Bon, assez râlé. Passons aux solutions concrètes pour cette rentrée.

### 1. L'IA comme assistant, pas comme cerveau de remplacement

La règle d'or : commencer par réfléchir AVANT d'ouvrir ChatGPT. C'est comme utiliser une calculatrice : si tu ne sais pas poser l'opération, la machine ne va pas t'aider.

Exemple concret : au lieu de demander "Fais-moi une dissertation sur Rousseau", essayer "J'ai réfléchi à cette problématique sur le contrat social [insérer sa réflexion]. Peux-tu m'aider à structurer mes idées ?" C'est la différence entre sous-traiter son cerveau et l'augmenter.

### 2. Les exercices métacognitifs (oui, c'est un vrai mot)

Après chaque utilisation de l'IA, se poser ces questions :
- Qu'est-ce que j'ai appris ?
- Qu'est-ce que j'aurais pu trouver seul ?
- Comment reformuler ça avec mes propres mots ?

C'est comme faire des pompes pour le cerveau. Ça muscle la réflexion au lieu de l'atrophier. On ne va pas se masquer la réalité : ça prend du temps, et le temps n'est pas ce qu'on veut perdre. Alors comme tout bon clinicien qui se respecte je sais parfaitement que pour la majorité des cas je prêche dans le désert, mais bon, c'est mieux que de ne pas le dire du tout.

### 3. L'IA anti-stress : votre nouveau meilleur ami

Pour les mathophobes chroniques (on vous voit), utiliser l'IA pour décomposer les problèmes complexes en étapes simples. Pas pour avoir la réponse directe, mais pour comprendre le chemin, enfin comprendre ce foutu jargon mathématiques qu'en France on a peaufiné depuis plus de 70 ans pour bien faire comprendre que les maths c'est pas pour tout le monde... résultat : C'est clairement pas pour tout le monde ! Objectif atteint les intellos qui préfèrent se gargariser de leur incroyable compréhension mathématique plutôt que de rendre accessible à tous les merveilles mathématiques. Heureusement il y a YouTube et maintenant les assistants IA. Du coup cette position d'élite intellectuelle va enfin pouvoir être archivée pour ce qu'elle est : un plaisir du passé.

Pour les anxieux du bac français, demander à Claude ou ChatGPT d'expliquer un texte classique "comme si j'avais 5 ans". Puis monter progressivement en complexité. C'est comme avoir un prof particulier infiniment patient.

### 4. Les apps de soutien émotionnel : pas de honte à avoir

Elles ont eu leur heure de gloire, et ont rapporté beaucoup. Mais il faut reconnaître que c'est plutôt *Zone de turbulences max* en ce moment.
Il y a 6 mois j'aurais écrit sans honte non plus : si ça fonctionne pour vous alors pas de honte. Aujourd'hui, avec le recul, je ne peux que réaffirmer la nécessité absolue du discernement et du temps pour observer et comprendre (Lacan quand tu nous tiens).

## La vérité qui dérange : nous sommes tous des cyborgs

Petit "reality check" : nous utilisons déjà des "extensions cognitives" depuis des siècles. L'écriture a été critiquée par Socrate qui pensait qu'elle détruirait la mémoire. La calculatrice allait nous rendre nuls en maths (oui je sais j'aurais pu trouver un autre exemple qui n'aille pas contre mon propos). Google allait tuer notre curiosité.

Spoiler : on est toujours là, et plutôt pas mal lotis niveau cognitif (si ! puisque je vous le dis).

L'IA n'est que le dernier outil dans cette longue lignée. La vraie question n'est pas "faut-il l'utiliser ?" mais "comment bien l'utiliser ?". Et ça, c'est une compétence qu'on devrait enseigner au lieu de semer la panique.

## Conclusion : déchargez votre sac, mais gardez votre cerveau

Cette rentrée, au lieu de rajouter l'angoisse de l'IA dans le sac à dos déjà bien chargé de nos lycéens, apprenons-leur à s'en servir intelligemment. Les vrais dangers ne viennent pas de ChatGPT ou Claude, mais :
- De l'absence d'esprit critique
- Du manque d'éducation numérique
- De la paresse intellectuelle (qui existait bien avant l'IA)
- Des marchands de peur qui profitent de l'anxiété parentale.

Avec plus de 6 millions d'utilisateurs et 550 millions de conversations, Wysa est devenu un leader mondial du soutien en santé mentale. Si des millions de jeunes trouvent du soutien dans ces outils, c'est peut-être qu'ils répondent à un vrai besoin. Reste à étudier sérieusement lequel réellement. Et aujourd'hui à nous poser la question de ce que cela propose réellement et ce que ça fait de et avec nos données. Quoiqu'il en soit je ne peux pas ne pas faire état du succès de ces dispositifs, mais je rappelle également le prix caché : les erreurs, hallucinations, nos données intimes gérées sans qu'on ne sache réellement comment, etc.

Alors oui, malgré cela, utilisons l'IA. Mais utilisons-la bien. Comme un GPS mental qui nous aide à trouver notre chemin, **pas comme un pilote automatique** qui nous endort au volant.

Et surtout, souvenons-nous que le plus grand danger pour le cerveau de nos ados, ce n'est pas ChatGPT. C'est le stress, l'anxiété, la pression scolaire et le manque de sommeil. Si l'IA peut aider à alléger un peu tout ça, alors bienvenue dans la boîte à outils **mais avec discernment.**

Bonne rentrée à tous, et n'oubliez pas : votre cerveau a survécu à TikTok, il survivra à ChatGPT. Promis.



*PS : Cet article a été écrit par un humain qui utilise l'IA quotidiennement et dont le cerveau fonctionne encore très bien, merci.*

L’IA dans les cartables ?

Sac à dos en forme de cerveau

*Ou comment les marchands d'apocalypse transforment les outils pédagogiques en armes de destruction massive du QI*

Après avoir parlé des lycéens et de leur relation tumultueuse avec ChatGPT, descendons d'un cran (ou deux). Direction le primaire et le collège, là où les cerveaux sont encore tout neufs et apparemment très vulnérables aux attaques de l'IA, si l'on en croit certains médias.

Le cartable pèse lourd cette année. Entre le Bescherelle, la calculatrice scientifique, les manuels pour chaque matière (qui ne seront que rarement ouverts et utilisés) et les 47 cahiers 24x32 exigés par Madame Grammarfirst (qui n'utilisera finalement que le premier), voilà qu'on nous annonce un nouvel intrus : l'Intelligence Artificielle. Et là, c'est la panique dans les chaumières !

"Mon Dieu, nos enfants de CP vont devenir des légumes !", "ChatGPT va transformer leur cerveau en purée dès la 6e !", "Ils ne sauront plus écrire leur prénom sans IA !". On dirait les mêmes qui criaient au scandale quand la calculatrice est arrivée dans les classes. Spoiler : on sait toujours compter (enfin, la plupart du temps).

## Tour du monde de la panique (ou pas)

### Chez nos voisins francophones : entre innovation et prudence

**En Belgique**, pendant qu'on panique en France, l'école De Wereldreiziger à Anvers fait tranquillement sa révolution. 425 élèves, 70 langues différentes, et devinez quoi ? Ils utilisent l'IA depuis des années. Les gamins de 7 ans savent dire bonjour dans 8 langues et utilisent des outils Microsoft pour apprendre à lire. Résultat : ils ont gagné le "Special Belgian Award for AI in Education".

Comme le dit si bien Jef Groffen, le directeur : malgré les difficultés (70 langues !), ses élèves "ont le plus grand potentiel, ils sont l'avenir". Pas de panique, juste de l'ambition.

**En Suisse**, toujours pragmatiques, ils préparent tranquillement des formations en IA pour août 2025. Pas pour les gamins, mais pour former des professionnels. Pendant ce temps, les cantons gèrent l'intégration de l'IA dans les écoles à leur rythme, sans drama. Le Swiss AI Center travaille avec les PME, l'ETH et l'EPFL et a plus de 150 chaires liées à l'IA. Bref, ils bossent pendant qu'on s'agite.

**Au Canada**, notamment au Québec, les approches varient selon les provinces, mais globalement, on observe moins de panique morale et plus de pragmatisme pédagogique. Mes sources sont des amis y vivant car en ligne c'est un peu le bazar côté sources pour le Canada, je ne sais pas pourquoi, elles sont difficiles à vérifier, j'ai donc choisi le vieux bouche-à-oreille pour l'avis.

### Les champions internationaux : quand l'IA devient normale

**Singapour**, le petit dragon qui nous met tous la honte. Leur stratégie "Smart Nation" vise à faire du pays un leader mondial de l'IA d'ici 2030. Formation obligatoire des profs à tous les niveaux d'ici 2026, centre de recherche, plan quinquennal... Pendant qu'on débat, eux ils font.

**La Corée du Sud** ne rigole pas non plus : cours d'IA dans le curriculum national à tous les niveaux d'ici 2025 (en commençant par le lycée). Le ministère a même créé des "salles de classe modèles" où les visiteurs peuvent tester les technologies avancées. Formation massive des profs en cours.

**La Chine**, toujours dans la démesure : dès la rentrée, les écoles de Pékin proposeront minimum 8 heures de cours d'IA par an, dès 6 ans ! Ils apprennent à utiliser les chatbots, comprennent les bases de l'IA et étudient l'éthique. 184 écoles pilotes sélectionnées. L'objectif ? Former la prochaine génération de fondateurs comme ceux de DeepSeek.

**L'Estonie** s'est associée avec OpenAI pour équiper lycéens et profs avec ChatGPT Edu dès septembre 2025. Assistance technique, simplification administrative, support d'étude personnalisé. Tranquille. Il faut souligner que c'est un pays qui a toujours mis l'accent sur la qualité de ses formations et qui accueille nombre de doctorants et post-doctorants pour continuer leur formation. L'excellence quoi.

**La Finlande**, pays modèle de l'éducation, a lancé une initiative nationale pour former 1% de sa population à l'IA. Pas de panique, juste de la formation massive et méthodique.

### Pendant ce temps, dans le monde anglophone...

**Aux États-Unis**, c'est le grand écart. D'un côté, le gouvernement lance des initiatives ambitieuses (décret présidentiel d'avril 2025 pour l'éducation à l'IA). De l'autre, seulement 19% des profs du primaire utilisent l'IA, et les écoles des banlieues riches ont deux fois plus de formations que les écoles urbaines ou rurales.

Pire : 41% des profs en zone favorisée ont reçu une formation IA, contre 12% en zone défavorisée. L'IA creuse les inégalités au lieu de les réduire. On serait tenter de dire "Bravo l'Amérique." Mais en fait c'est déjà partout comme ça non ?

**Au Royaume-Uni**, approche plus mesurée : le Department of Education a publié des guides, les profs peuvent utiliser l'IA pour planifier les cours, mais avec leur "jugement professionnel".

## Le grand cirque médiatique : "Vos enfants sont en danger !"

### Les titres qui font vendre (et trembler)

Depuis quelques mois, impossible d'ouvrir un journal sans tomber sur un article apocalyptique : "L'IA transforme nos enfants en zombies numériques", "Alerte : les CM2 ne savent plus réfléchir !", "ChatGPT : le nouveau dealer de devoirs".

C'est drôle comme l'histoire se répète. Dans les années 80, c'était les jeux vidéo qui allaient nous transformer en psychopathes (avec les dessins animés). Dans les années 90, Internet allait nous rendre asociaux. Dans les années 2000, les SMS allaient détruire l'orthographe. Dans les années 2010... je ne me souviens plus, probablement la surcharge de stupidités... Surtout si on rajoute les mots tendances par époque genre "en temps réel," "interactif," "frappes chirurgicales," heu ce dernier exemple c'est purement par réflexe tellement il est, comment dire... stupide ? Bête ? Méchant ? Nous prend pour des c... heu je m'égare. Revenons à notre sujet, aujourd'hui c'est l'IA qui va nous lobotomiser.

On attend toujours l'apocalypse promise. Grand jeu du jour : devinez la prochaine. Rien à gagner, juste pour s'amuser. Je parie volontiers sur le climat... ha bah non c'est déjà pris. La canicule à 30 degrés Celsius... zut pris aussi ! En fait c'est difficile de trouver un apocalypse promis qui n'est pas déjà exploité pour maintenir les téléspectateurs, auditeurs, lecteurs, jusqu'à la pub suivante.

### Les "études" à la noix

Le pire, c'est quand ces articles s'appuient sur des "études scientifiques". Genre : "Une étude prouve que les enfants qui utilisent l'IA perdent 10 points de QI". Quand on creuse :
- L'étude porte sur 23 élèves
- Dans une école privée de Manhattan
- Pendant 2 semaines
- Sans groupe témoin
- Et financée par une entreprise qui vend des cahiers d'exercices.

Mais bon, ça fait un super titre, hein ? On n'invente pas l'eau tiède... ha bah si, rappelez-vous : le repas le plus important de la journée c'est le petit déjeuner. C'est scientifiquement prouvé hahaha !

Pendant ce temps, des études sérieuses montrent que l'innovation pédagogique avec l'IA produit des résultats encourageants dans de nombreuses écoles pilotes. Mais ça, bizarrement, on n'en parle pas.

## La réalité du terrain : ce qui se passe VRAIMENT dans les classes

### L'IA débarque officiellement (et c'est pas le chaos annoncé)

Première nouvelle qui va vous surprendre : l'IA est déjà dans les classes depuis un moment. Des outils comme **Lalilo** (largement utilisé dans les écoles françaises) ou **AdaptivMath** aident les élèves du primaire à progresser à leur rythme.

Et devinez quoi ? Les enfants ne sont pas devenus des légumes. Au contraire, on obtient des témoignages du type : "Mes élèves en difficulté avec les nombres ont gagné en confiance grâce à ces outils qui s'adaptent précisément à leurs besoins. »

### Le grand plan 2025 : formation obligatoire (et c'est une bonne chose)

Elisabeth Borne l'a annoncé en février 2025 : dès la rentrée, tous les élèves de 4e et de 2de devront suivre une formation à l'IA sur la plateforme Pix. Entre 30 minutes et 1h30 pour apprendre :
- Comment poser des questions à l'IA (le fameux "prompting")
- Comment fonctionne une IA générative
- Les impacts environnementaux
- La gestion des données.

Bref, exactement ce qu'il faut pour former des utilisateurs éclairés, pas des zombies. Même si ça ressemble plus à de la com qu'à une réelle incitation, mais c'est toujours mieux que rien.

## Les vrais chiffres (ceux qu'on ne vous montre pas)

Pendant qu'on agite le chiffon rouge, voici la réalité :
- **86% des étudiants** utilisent déjà l'IA selon une étude du Digital Education Council (août 2024)
- Plus de la moitié l'utilisent au moins une fois par semaine
- **92% des collégiens et lycéens** s'en servent pour leurs devoirs
- **44% des enfants** (primaire inclus) utilisent activement l'IA générative, dont 54% pour les devoirs.

Autrement dit : le train est déjà parti, et nos enfants sont dedans. La question n'est plus "faut-il interdire ?" mais "comment bien accompagner ?".

Et attention : aux USA, seulement 19% des profs du primaire utilisent l'IA. En Chine, c'est obligatoire. Devinez qui formera les futurs leaders de l'IA si on continue ainsi ?

## Le business de la peur : qui profite de la panique ?

### Les vendeurs de méthodes "anti-IA"

Depuis que ChatGPT est devenu mainstream, j'ai vu fleurir :
- Des stages "Protégez votre enfant de l'IA" à 450€ le weekend
- Des livres "Comment élever un enfant sans IA" (alors que l'auteur a écrit son livre avec... une IA)
- Des conférences "L'IA va détruire l'école" (entrée : 75€, buffet bio inclus)...

Oui je sais je taquine mais faites vos propres recherches en ligne vous allez découvrir que c'est pire que les trois exemples pour rire que je viens de citer. Sur les réseaux sociaux les pubs sont omniprésentes pour ces services.

C'est le même business model que les coaches en "détox digitale" qui postent sur Instagram 47 fois par jour.

### Les médias et leur addiction aux clics anxiogènes

Soyons honnêtes deux secondes. Qu'est-ce qui génère le plus de clics ?
- Option A : "Une étude montre que l'IA bien utilisée aide les élèves en difficulté"
- Option B : "ALERTE : L'IA DÉTRUIT le cerveau de VOS ENFANTS !!!"

Je vous laisse deviner.

## Ce qui marche VRAIMENT : les bonnes pratiques observées

### En primaire : l'IA comme assistant, pas comme prof

Dans les écoles qui utilisent bien l'IA (du CP au CM2, donc 6-11 ans), voici ce qu'on observe :
- **Lecture personnalisée** : l'élève lit un texte, l'IA génère des questions adaptées à son niveau
- **Maths sur mesure** : des exercices qui s'ajustent automatiquement (trop facile ? on monte d'un cran)
- **Toujours sous supervision** : l'enseignant reste le chef d'orchestre.

Un exemple concret ? Une classe de CM1 utilise l'IA pour créer des histoires collaboratives. Les élèves écrivent le début, l'IA propose une suite, les élèves corrigent, modifient, améliorent. Résultat : ils écrivent 3 fois plus qu'avant et adorent ça.

### Au collège : apprendre à utiliser, pas laisser faire

Les collèges pilotes qui intègrent l'IA (de la 6e à la 3e, donc 11-15 ans) ont compris le truc :
1. **D'abord réfléchir** : l'élève fait une première version de son travail
2. **Ensuite comparer** : il demande à l'IA de générer une version
3. **Puis critiquer** : il analyse les différences, corrige les erreurs de l'IA
4. **Enfin présenter** : il explique ses choix à la classe.

C'est ça, la vraie éducation au numérique : apprendre à utiliser l'outil, pas se faire utiliser par lui (ou par les discours marketing).

Et c'est exactement ce que font les Coréens avec leurs "salles de classe modèles", ou les Chinois qui enseignent l'éthique de l'IA dès 6 ans. Pendant qu'on débat, eux forment.

## Les vraies questions (celles qu'on devrait se poser)

### Question 1 : Et la protection des données ?

Là, on touche un vrai sujet. Le ministère a publié en **juin 2025** un cadre d'usage strict :
- Autorisation parentale obligatoire
- Données stockées sur des serveurs conformes au RGPD
- Interdiction d'utiliser les IA "grand public" sans encadrement.

Certaines écoles ont même créé des "comités éthiques numériques" avec parents, profs et élèves. C'est ça qu'on devrait mettre en avant, pas la panique.

### Question 2 : Et l'équité ?

Autre vraie question : tous les enfants n'ont pas le même accès aux outils numériques. C'est pour ça que l'intégration de l'IA À L'ÉCOLE est cruciale. Sinon, on creuse les inégalités entre ceux qui ont ChatGPT Premium à la maison et les autres. L'écart est déjà là et ne cesse de s'agrandir, comme toujours. Peut-être pourrait-on vraiment pour une fois faire réellement quelque chose d'efficace contre ? Non ?

### Question 3 : Et l'esprit critique ?

C'est LE point central. Des classes de CM1-CM2 font déjà des exercices de "détection de textes IA". Les élèves apprennent à repérer les biais, les erreurs, les inventions de l'IA.

Ironique, non ? On forme des enfants plus critiques face à l'IA que la plupart des adultes qui partagent des fake news sur Facebook ou X ou…

## Le futur qu'on pourrait construire (si on arrêtait de paniquer)

### Un cartable allégé, pas alourdi

Imaginez :
- Des exercices personnalisés qui s'adaptent au rythme de chaque enfant
- Un soutien disponible 24/7 pour les devoirs (sans remplacer les parents ; oui je sais vœu pieu mais bon...)
- Des outils qui détectent les difficultés avant qu'elles deviennent des blocages
- Plus de temps pour la créativité, moins pour le bachotage.

C'est ça, la promesse de l'IA bien utilisée. C'est ce que font déjà les petits Belges à Anvers, les Singapouriens, les Estoniens...

### Des profs augmentés, pas remplacés

Contrairement aux fantasmes, l'IA ne va pas remplacer les enseignants. Elle va :
- Les libérer des tâches répétitives (correction de QCM, préparation de fiches)
- Leur donner plus de temps pour l'humain
- Les aider à personnaliser leur pédagogie.

Un prof qui passe moins de temps à corriger des dictées a plus de temps pour aider un élève qui galère en grammaire.

D'ailleurs, on s'adapte déjà à plein de différences : en France on note sur 20, en Belgique sur 100, en Suisse sur 6 (et 6 c'est la meilleure note !). Si nos gamins peuvent comprendre ça, ils peuvent comprendre l'IA.

## Les vrais dangers (spoiler : c'est pas l'IA)

Si on veut vraiment s'inquiéter pour nos enfants, parlons des vrais problèmes :
- Le manque de sommeil (merci TikTok jusqu'à 2h du mat')
- Le stress scolaire (toujours pas résolu)
- Le harcèlement (avec ou sans IA)
- Les classes surchargées
- Le manque de formation des profs...

L'IA pourrait même aider sur certains de ces points. Mais bon, c'est moins vendeur que "ChatGPT mange le cerveau de vos enfants".

## Guide de survie pour parents (pas) paniqués

### 1. Respirez

Vos enfants ne vont pas devenir idiots. Ils ont survécu à Fortnite, ils survivront à ChatGPT.

### 2. Intéressez-vous

Au lieu d'interdire, demandez à votre enfant de vous montrer comment il utilise l'IA. Vous serez surpris de leur esprit critique. Si ! Je ne blague pas, j'en suis un témoin direct.

### 3. Encadrez

Comme pour Internet : pas d'interdiction totale, mais des règles claires :
- On montre ce qu'on fait
- On explique comment on l'utilise
- On garde son cerveau allumé.

### 4. Formez-vous

Des formations **gratuites** existent pour les parents. Profitez-en au lieu de payer 450€ à un gourou anti-IA.

## Les vraies leçons de cette comparaison internationale

### Ce qui marche vraiment (spoiler : c'est pas la panique)

En analysant tous ces pays, on voit des patterns clairs :

**Les pays qui réussissent** :
- Forment massivement leurs profs (Singapour, Corée)
- Intègrent l'IA dans le curriculum sans drama (Chine, Estonie)
- Investissent dans la recherche (Suisse, Finlande)
- Adaptent les outils aux besoins locaux (Belgique).

**Les pays qui galèrent** :
- Laissent les inégalités se creuser (USA)
- Paniquent dans les médias (devinez qui ?)
- Attendent que ça passe
- Vendent des formations anti-IA à prix d'or.

### La France dans tout ça ?

On n'est pas les pires, mais on peut (doit ?) clairement mieux faire. Notre approche "cadre réglementaire + formation Pix obligatoire" est correcte, mais :
- On arrive après la bataille (les autres ont commencé il y a 2-3 ans)
- On forme en priorité les 4e et 2de (pourquoi pas avant ?)
- On débat encore pendant que d'autres agissent (ça c'est typiquement nous français, ensuite on râle bref l'efficacité n'est pas notre fort, changeons cela...).

Heureusement, on a des atouts : Lalilo et les autres outils P2IA fonctionnent bien, nos profs innovent malgré le manque de formation (et de moyens ; franchement qui peut sérieusement soutenir que des classes de plus de 20 élèves c'est gérables ? Un comptable, et encore...), et le cadre éthique de **juin 2025** est solide.

## Conclusion : le cartable du futur, c'est maintenant (partout sauf chez les peureux, les réacs, les contestataires, les non informés, les mal informés, les absents, les occupants des places du fond près du radiateur...)

Cette rentrée, l'IA entre officiellement dans les cartables français. Pendant qu'on panique, nos voisins belges innovent, les Suisses forment, les Asiatiques foncent, et même les Estoniens sont plus avancés que nous.

Le vrai danger, ce n'est pas l'IA. C'est d'être les derniers de la classe mondiale. C'est de laisser nos enfants prendre du retard pendant qu'on débat. C'est de créer une génération qui subira l'IA au lieu de la maîtriser. Heu oui je sais ça donne l'impression que je suis en train de décrire les normes issues de la CEE, ce n'est pas faux en fait.

Alors oui, surveillons. Oui, encadrons. Oui, restons vigilants. Mais arrêtons de paniquer à chaque innovation. Nos enfants méritent mieux que nos angoisses d'adultes dépassés. Ils méritent les mêmes chances que les petits Singapouriens, Coréens ou Belges.

Et souvenez-vous : la génération qui a grandi avec les calculatrices a quand même produit des ingénieurs, des mathématiciens, des Prix Nobel. Celle qui grandit avec l'IA produira... on verra bien, mais je parie que ce sera pas si mal. Surtout si on arrête de leur mettre des bâtons dans les roues. Puis franchement, après Bob Dylan Prix Nobel, que risque-t-on ?

En attendant, détendez-vous. Votre enfant a plus de chances de devenir accro aux bonbons de la cantine qu'à ChatGPT. Et s'il apprend à dire bonjour dans 8 langues comme les petits Anversois, ce sera toujours ça de gagné.


*PS : Cet article a été écrit par un humain qui a appris à lire et écrire avant l'invention de ChatGPT. Et qui utilise l'IA tous les jours sans être devenu un légume. La preuve : il arrive encore à faire des blagues (plus ou moins drôles).*

Devoir de devoirs – IA ou pas

Sac à dos en forme de cerveau

*"Maman, ChatGPT dit que mon introduction est pas terrible, tu peux m'aider ?"*

La scène se joue dans des milliers de foyers, ce dimanche soir de septembre. Un adolescent est devant son devoir de français sur *Le Petit Prince*. L'onglet ChatGPT clignote à côté de son document Word à moitié rempli. Sa mère, enseignante elle-même, hésite entre l'agacement et la résignation. Faut-il interdire ? Accompagner ? Faire semblant de ne rien voir ?

Bienvenue dans l'ère des devoirs augmentés, où la solitude studieuse de nos souvenirs d'école se transforme en conversation à trois : l'élève, le devoir, et l'intelligence artificielle. Un triangle pédagogique qui fait trembler les fondations de ce rituel scolaire vieux comme l'école elle-même.

Car faire ses devoirs, c'était jusqu'ici une épreuve initiatique bien codifiée : seul face à la page blanche, on apprenait autant la persévérance que les tables de multiplication. Mais voilà que débarque un assistant numérique capable de disserter sur Molière, résoudre des équations du second degré et traduire du latin en quelques secondes. De quoi transformer le sacro-saint moment des devoirs en champ de bataille idéologique où s'affrontent nostalgie pédagogique et panique morale.

## Les devoirs, cette institution en pleine métamorphose

### Le rituel ancestral de la souffrance productive

Avouons-le : qui n'a pas un souvenir douloureux lié aux devoirs ? Cette dissertation de philo rendue à 2h du matin, ces exercices de maths qui nous ont fait pleurer de rage, cette récitation qu'on n'arrivait jamais à mémoriser... Les devoirs ont toujours oscillé entre outil pédagogique et instrument de torture domestique.

L'idée est pourtant noble : prolonger l'apprentissage au-delà des murs de l'école, développer l'autonomie, consolider les acquis. *"C'est en forgeant qu'on devient forgeron"*, répètent les enseignants depuis des générations. Sauf que dans la forge familiale, tous les apprentis ne disposent pas des mêmes outils.

Les sociologues de l'éducation le martèlent depuis des décennies : les devoirs peuvent renforcer les inégalités. Entre l'enfant qui peut compter sur des parents diplômés et celui qui se débrouille seul, entre celui qui dispose d'un bureau et d'une connexion internet et celui qui fait ses exercices sur un coin de table, le fossé risque de se creuser soir après soir.

### L'ère pré-ChatGPT : quand YouTube était déjà prof particulier

Mais ne faisons pas comme si l'aide numérique était née avec ChatGPT. Souvenez-vous : avant l'IA générative, il y avait déjà YouTube et ses milliers de vidéos explicatives, les forums d'entraide, les applications comme Photomath qui résolvaient les équations en un clic.

Photomath, lancée en 2015, a déjà dépassé les 100 millions de téléchargements. Cette application permet de scanner une équation mathématique et d'obtenir instantanément la solution avec les étapes de résolution détaillées. Une génération entière a grandi en jonglant entre le cours magistral et sa version YouTube, souvent plus claire et toujours disponible à la demande.

Les devoirs "assistés" existaient donc déjà. La différence ? Il fallait encore chercher, trier, comprendre. L'effort cognitif se déplaçait mais ne disparaissait pas. Avec l'IA générative, c'est une autre histoire.

### Le grand bouleversement : quand l'IA fait le travail à ta place

Ce que change vraiment ChatGPT et ses cousins, c'est la facilité déconcertante. Plus besoin de fouiller dans dix vidéos pour comprendre un concept : on pose la question en langage naturel et hop, une réponse structurée apparaît. C'est la différence entre chercher une aiguille dans une botte de foin et demander à quelqu'un de vous la tendre.

L'illusion est parfaite : celle d'une maîtrise instantanée, d'un savoir qui coule de source. Sauf que derrière cette facilité se cache un piège : celui de la passivité cognitive. Car comprendre, ce n'est pas seulement avoir la réponse, c'est parcourir le chemin qui y mène.

## Entre triche et innovation : le grand malentendu

### Dans la salle des profs : adaptation ou résistance ?

Les enseignants se retrouvent en première ligne de cette révolution. Certains résistent, traquent les copies suspectes, multiplient les logiciels de détection comme Turnitin, GPTZero ou Compilatio (des outils largement déployés dans l'enseignement supérieur). D'autres innovent : devoirs chronométrés en classe, exercices de reformulation, défis créatifs impossibles à déléguer à une IA.

Certains enseignants inversent le processus, intégrant l'IA dans leur pédagogie. Ils demandent aux élèves d'analyser des textes générés par ChatGPT, de repérer les erreurs et approximations, transformant l'exercice en développement de l'esprit critique.

L'adaptation prend des formes multiples : exposés oraux pour vérifier la compréhension, projets collaboratifs, exercices "à trous" où l'IA ne peut pas tout faire. Certains vont plus loin : *"Utilisez ChatGPT pour votre premier jet, puis améliorez-le, sourcez-le, personnalisez-le."*

### Côté élèves : bricoleurs du XXIe siècle

Les chiffres donnent le tournis : selon un sondage de l'Inria de juin 2024, **90% des élèves de seconde** ont utilisé une IA générative au moins une fois pour leurs devoirs. Mais attention aux raccourcis : utiliser ne veut pas dire copier-coller bêtement.

Les stratégies sont multiples, créatives, parfois limites. Certains utilisent l'IA comme un tuteur personnel pour comprendre des concepts difficiles, d'autres comme aide à la structuration de leurs idées. La plupart naviguent entre les deux, dans une zone grise où se mélangent apprentissage authentique et facilité coupable.

L'utilisation intelligente de l'IA demande paradoxalement des compétences : savoir formuler ses questions clairement, vérifier les informations, adapter le contenu à son style personnel. Les élèves qui s'en sortent le mieux sont souvent ceux qui auraient pu s'en passer.

### Parents : entre soulagement coupable et inquiétude légitime

Et les parents dans tout ça ? Coincés entre leur désir d'aider et leur incompétence grandissante face aux programmes scolaires, beaucoup voient l'IA comme une bouée de sauvetage. D'autres résistent, par principe ou par peur de voir leurs enfants devenir dépendants d'une machine.

Entre ces deux extrêmes, la majorité des parents navigue à vue, sans boussole dans ce nouveau monde. Certains découvrent l'IA en même temps que leurs enfants, d'autres tentent de poser des règles : utiliser l'IA pour vérifier après avoir fait l'exercice, pour comprendre mais pas pour copier.

## Réapprendre à apprendre : le vrai défi

### L'art subtil du prompt : miroir de la pensée

Paradoxalement, bien utiliser l'IA demande des compétences que l'école peine encore à enseigner. Formuler une question claire, structurer sa demande, affiner ses requêtes : le "prompting" devient un exercice de métacognition.

Pour obtenir une bonne réponse de l'IA, il faut poser une bonne question, et cela représente déjà la moitié du travail intellectuel. L'IA agit comme un miroir : elle reflète la clarté ou la confusion de celui qui l'interroge. Un prompt flou donnera une réponse floue. Une demande mal structurée produira un texte décousu. En ce sens, l'outil devient pédagogique malgré lui.

### Quand l'erreur devient apprentissage

L'IA peut devenir un révélateur de nos propres lacunes. Ses erreurs, ses approximations, ses "hallucinations" forcent l'utilisateur attentif à développer son esprit critique. Mais encore faut-il avoir les bases pour repérer ces erreurs.

C'est là que le rôle de l'enseignant devient crucial : non plus gardien du temple du savoir, mais guide dans la jungle informationnelle. Apprendre à vérifier, croiser les sources, questionner les réponses devient plus important que jamais.

### Vers une pédagogie augmentée, pas diminuée

Les expériences les plus prometteuses viennent d'enseignants qui ont décidé d'embrasser le changement plutôt que de le subir. Certains demandent aux élèves de générer un premier texte avec l'IA, puis de l'annoter : identifier ce qui est juste, ce qui manque, ce qui leur ressemble. Le travail de correction devient un exercice de style et d'appropriation.

D'autres inventent des exercices impossibles à déléguer, ancrés dans le vécu personnel : analyser une photo de son quartier à la lumière du cours sur l'urbanisme, écrire sur son trajet du matin. L'ancrage dans l'expérience individuelle devient une protection contre la standardisation de l'IA.

Cette approche oblige à repenser ce qu'on évalue vraiment : veut-on des élèves qui récitent ou des élèves qui pensent ? La question était déjà là avant ChatGPT, mais maintenant elle est incontournable.

## Le devoir de devoirs : redéfinir l'apprentissage

Alors, IA ou pas IA ? La question est peut-être mal posée. L'intelligence artificielle est là, elle ne disparaîtra pas. Faire semblant de l'ignorer reviendrait à préparer nos enfants à un monde qui n'existe déjà plus.

Le vrai enjeu n'est pas d'interdire ou d'autoriser, mais de redéfinir ce que signifie "faire ses devoirs" au XXIe siècle. Si l'objectif est de produire un texte formaté, alors oui, l'IA rend l'exercice obsolète. Mais si le but est d'apprendre à penser, à structurer ses idées, à développer son esprit critique, alors l'IA devient un outil parmi d'autres.

Car au fond, l'apprentissage reste une expérience profondément humaine et solitaire. On peut déléguer la production, pas la compréhension. On peut automatiser la rédaction, pas la réflexion. L'IA peut nous donner des réponses, mais c'est à nous de nous poser les bonnes questions.

Les devoirs de demain ressembleront peut-être moins à des exercices de production qu'à des défis de création, de critique, d'appropriation. Moins "Rédigez une dissertation sur..." que "Confrontez trois sources et construisez votre propre analyse". Moins de par cœur, plus de parcours. Whaaa ça fait slogan...

L'école a survécu à l'invention de l'imprimerie, de la calculatrice, d'Internet. Elle survivra à ChatGPT. Mais elle devra se réinventer, encore une fois. Et c'est peut-être ça, le vrai devoir : celui des adultes, enseignants et parents, de repenser l'éducation pour un monde où l'information est gratuite mais où la sagesse reste à construire.

## Bon après l'optimisme, prenons une dose de réalisme

Après la version édulcorée, maintenant, parlons vrai.

Pendant que nous philosophons sur l'apprentissage authentique et l'esprit critique, la machine Parcoursup tourne. Les algorithmes de sélection des grandes écoles calculent. Les dossiers s'empilent. Et dans cette course impitoyable, ceux qui n'utilisent pas l'IA risquent de prendre du retard. C'est la réalité.

Le dilemme est brutal. D'un côté, l'idéal pédagogique : apprendre par soi-même, développer ses propres capacités, forger son caractère dans l'effort. De l'autre, la réalité glaciale de la sélection : moyennes au centième près, lettres de motivation parfaites, dossiers béton. Dans ce jeu à somme nulle, l'IA n'est plus seulement un outil, c'est devenu un avantage compétitif.

Sarah Cohen-Boulakia, de l'Université Paris-Saclay, confirme qu'"au moins 50%" des lettres de motivation Parcoursup passent désormais par l'IA. Des outils spécialisés comme "Vœux Parcoursup GPT" ont même été développés spécifiquement pour cette plateforme. Et ça c'est pour les app qui s'affichent.

Les chiffres font froid dans le dos. Un élève qui maîtrise ChatGPT peut produire en une heure ce qui prendrait une journée à son camarade "old school". Dissertations impeccables, synthèses structurées, argumentaires béton : l'IA ne fait pas que corriger l'orthographe, elle élève le niveau global de production. Résultat ? Les barèmes évoluent, les exigences montent, et ceux qui travaillent "à l'ancienne" se retrouvent mécaniquement en difficulté.

Le plus pervers, c'est que le système éducatif fait semblant de ne pas voir. Officiellement, on condamne. Officieusement, on ferme les yeux. Les profs le savent, les parents le savent, les élèves le savent. Mais personne ne veut briser l'omerta. Parce qu'au fond, tout le monde a quelque chose à y gagner : de meilleures stats pour l'établissement, de meilleures notes pour les élèves, moins de conflits pour les parents.

Et puis il y a l'autre fracture, plus profonde encore : celle entre les familles qui maîtrisent ces outils et les autres. Car utiliser efficacement l'IA, ce n'est pas juste ouvrir ChatGPT. C'est savoir prompter, vérifier, améliorer. C'est avoir accès aux versions payantes, plus performantes : 30% des étudiants paient déjà pour ChatGPT Plus à 20€/mois selon une étude de 2024. C'est comprendre comment personnaliser les réponses, comment faire illusion.

Les données sur les inégalités éducatives préexistantes sont déjà alarmantes : les trois quarts des élèves défavorisés étudient hors de l'éducation prioritaire. L'IA risque d'amplifier ces écarts. Les enfants de cadres supérieurs ont souvent deux ans d'avance dans la maîtrise de ces outils : ils ont ChatGPT Plus, leurs parents les coachent sur l'utilisation, ils échangent les meilleures techniques sur Discord. Pendant ce temps, d'autres élèves copient-collent bêtement et se font repérer par les logiciels de détection.

Le système continue de tourner, parce que personne n'a intérêt à appuyer sur pause. Les écoles veulent les "meilleurs" élèves (comprendre : ceux aux meilleurs dossiers). Les entreprises veulent les "meilleurs" diplômés (comprendre : ceux des meilleures écoles). Et la boucle se referme.

Bientôt, ne pas utiliser l'IA pour ses devoirs sera aussi anachronique que refuser d'utiliser Internet pour ses recherches. Sauf que là, on ne parle pas juste d'efficacité. On parle de l'avenir de nos enfants. De leur place dans la société. De leurs opportunités professionnelles.

Alors, que faire ? Résister par principe et accepter que nos enfants partent avec un handicap potentiel ? Ou accompagner le mouvement en espérant garder un minimum d'éthique dans le processus ?

La réponse n'est pas dans les grands discours sur l'apprentissage authentique. Elle est dans les choix quotidiens de millions de parents qui veulent le meilleur pour leurs enfants. Et tant que le système restera ce qu'il est - **une machine à trier basée sur des notes et des dossiers** - l'IA restera un avantage compétitif que seuls les naïfs ou les privilégiés pourront se permettre d'ignorer.

La vraie question n'est donc pas "IA ou pas IA ?" mais "Comment s'assurer que mon enfant ne soit pas largué dans cette course folle ?" Et ça, c'est une question à laquelle aucun ministre de l'Éducation n'a encore osé répondre.